Un cri déchira les ténèbres qui régnaient dans la maison. Nina hurlait. La douleur lacérait son ventre de femme enceinte, elle crût qu'il allait exploser. Elle agrippa plus qu'elle ne saisit le téléphone, et composa tant bien que mal le premier numéro qui lui vint à l'esprit. Elle transpirait maintenant à grosse gouttes, une chaleur malsaine envahissant son corps et la rendait de plus en plus nerveuse. La douleur allait en s'agrandissant, elle ne pouvait plus le supporter. Enfin, la tonalité cessa et un homme décrocha.
« Ouais ? demanda-t'il d'une voix rauque et un peu pâteuse.
- Sylvester ! gémit la femme.
- Nina ?!
- Viens tout de suite ! supplia-t'elle. Le bébé... Il... »
La douleur était lancinante. Un élancement plus fort encore que les précédents la fit taire, elle lâcha le combiné.
De son côté, le dénommé Sylvester laissa la jeune blonde à forte poitrine qu'il avait ramené chez lui ce soir-là pour aller retrouver la femme qu'il avait engrossé par erreur, à plus de trois-cent kilomètres de là.
Ce fût cette nuit là qu'Elwyna vit le jour.
Sa naissance fût un supplice pour sa mère, qui mourût quelques minutes après l'avoir mise au monde. Son père arriva bien après la bataille, contemplant les draps pleins de sang et le corps meutri de Nina qui les avait tâchés. Il vit ses yeux révulsés, et devina sans peine que cet accouchement avait été une torture. Il détourna les yeux de ce spectacle peu ragoûtant, et c'est à ce moment-là qu'il vit le bébé.
Elwyna criait déjà depuis plus d'un quart d'heure, et il ne l'entendit qu'à ce moment précis.
Sans un mot, il saisit l'enfant, le frottant rapidement avec un des draps déjà souillés par le liquide poisseux. Il jeta un regard désolé envers la femme que toute vie avait quitté, et emporta l'enfant.

Quatre années plus tard, il le déposait devant l'Académie Nakunaru.
Il avait bien essayé de la garder, mais ces quatre années avaient été trop difficiles à ses yeux. Sylvester Cross était un homme à femme. Cette gamine avait été un accident, comme il y en avait eu, et comme il y en aurait beaucoup d'autres. Mais ce n'était pas un monstre. Nina était une très belle femme, mais elle était aussi très seule. Si il n'avait pas pris la gamine, elle serait morte.
La veille, Sylvester était entré dans la chambre de sa fille qui dormait depuis plus d'une heure, sans aucun but précis. Il avait seulement ressenti le besoin d'y aller. Seulement, il avait franchi la porte et s'était retrouvé dans un monde tout autre. Le parquet de la chambre avait été remplacé par de l'herbe, il n'y avait plus de murs, il y avait un immense lapin rose et une coccinelle géante, sur laquelle était assise l'enfant. Elle fit à son père un signe de la main. Celui-ci était totalement perdu. Il ne savais pas où il se trouvait, la gamine semblait connaître cet endroit par coeur.
« Elwyna, où sommes nous ? demanda-t'il d'une voix un peu tremblante.
- Dans mon pays des merveilles, papa ! » s'exclama-t'elle en riant aux éclats.
Sa petite voix résonna quelques secondes. En tournant la tête, Sylvester aperçut effectivement un homard qui dansait le quadrille, ainsi qu'une chenille très grasse qui fumait de l'opium avachie sur un des champignons.
« Comme dans le bouquin... » souffla-t'il, éberlué.
Il secoua la tête. Il devait rêver à cause du livre qu'il avait lu à la petite pour l'endormir. Alice aux pays des Merveilles.
« Elwyna ! C'est l'heure du goûter! cria-t'il sans savoir pourquoi.
- Youpi ! »
L'univers devint flou puis s'évanouit. Sylvester sentit le parquet grincer sous ses pieds, qui l'instant d'avant étaient posés sur l'herbe grasse. La chambre était revenue à son état initial, et la petite fille se tenait debout dans son lit à barreaux, attendant que son père vienne l'en sortir.
« Papa, j'ai voulu que tu y sois et tu es arrivé dans mon rêve ! pépia-t'elle.
- ... Je sais, oui. » murmura-t'il en la soulevant.
Il venait d'avoir une illumination. Sa fille avait créé tout cela de toute pièce. Elle avait voulu, et c'était arrivé. Sylvester était un homme très perspicace, il comprit de suite. Sa fille créait des illusions. Il avait longtemps espéré cela, sans jamais oser le souhaiter vraiment. Enfin, il était débarrassé de cette petite. Non pas qu'il n'aimait pas sa fille, non. Juste que... La vie de papa poule l'exaspérait.
Le jour-même, il partit pour la Nakamaru Academy. Oui, il savait exactement où la déposer. Depuis qu'il avait entendu des rumeurs sur des enfants dotés de pouvoirs surnaturels, il s'était renseigné dans l'espoir qu'Elwyna en soit une. Et ses attentes avaient été comblées.
Pendant le trajet, le père expliqua ce qu'il savait à sa progéniture. Elle ne compris pas tout, car elle était encore très jeune, mais elle sut qu'elle était différente des autres enfants. Ils étaient arrivés au petit matin.
« Elwyna, écoute ton papa, dit-il en s'agenouillant près de la petite. Tu es spéciale, très spéciale. Tu dois apprendre à gérer tes pouvoirs, alors tu vas rester sagement ici. Quelqu'un va venir te chercher, et il t'apprendra, d'accord ? Je reviendrais te chercher quand tu sauras bien les utiliser. »
Il se releva et tourna les talons, la laissa devant les grilles. Elle le regarda s'en aller, décidée à apprendre vite pour retrouver son papa rapidement.
Seulement voilà, 11 ans plus tard, elle maîtrisait, et il n'était toujours pas revenu. Et en devenant grande, la petite avait appris à haïr ce père qui l'avait abandonnée. A l'Académie, elle appris à utiliser les illusions. Ce n'était pas difficile, elle souhaitait, et cela arrivait. Elle appris à s'en servir contre de potentiels ennemis, créant des " petits mondes" capables de détraquer l'esprit de n'importe qui. Mais ce qu'on lui enseigna surtout, c'est à ne pas confondre ses créations et la réalité. Il était tellement tentant de se réfugier dans un monde qu'elle contrôlait parfaitement... Mais elle ne devait pas le faire, non. Surtout pas, non.